Mon domaine de prédilection, en tant que chercheur, est la modélisation des systèmes complexes. Sans rentrer dans les détails techniques, il s'agit de développer des représentations informatiques expliquant des phénomènes spécifiques.
Dans le milieu, la définition exacte d'un système complexe prête encore au débat mais, intuitivement, vous conviendrez que la génétique, le climat, le système immunitaire, ou encore les interactions entre places financières, sont "complexes".
Je reviendrai sans doute sur les méthodes utilisées, car cela pourrait intéresser, mais aujourd'hui je voudrais m'attarder sur la notion de futur.
En effet, si le but des modèles est d'expliquer les phénomènes, cela passe souvent pour la mise en place de prévisions, (qu'il faut bien sûr valider).
Un modèle, par principe, correspond à un choix : il ne contient pas tous les éléments du système réel. L'inverse supposerait que le système est parfaitement compris, ce qui contredirait la motivation de départ.
Tout modèle est donc une représentation imparfaite du système, et n'est généralement utilisable que dans des conditions précises.
Un modèle ne prédit donc pas *le* futur, mais fournit au contraire un ensemble de scénarios possibles, (ces scénarios étant plus ou moins crédibles selon le réalisme du modèle).
Dans le cadre d'un de mes projets, je travaille par exemple sur la propagation des épidémies. Les modèles développés ne fourniront jamais l'évolution exacte de l'épisode infectieux. Même un modèle parfait serait incapable de le faire.
Supposons un instant qu'un tel modèle existe, et qu'une simulation soit lancée à partir de l'infection du double virtuel de M. Dupont, qui vient d'être diagnostiqué d'une nouvelle maladie. Le "modèle parfait" nous donne des résultats catastrophiques : d'après les simulations, Mme Dupont est sans doute déjà infectée, et la maladie va se propager très rapidement.
Pourtant, une semaine plus tard, aucun nouveau cas n'est signalé. Après quelques recherches, on se rend compte que, au moment où M. Dupont était mis en quarantaine, sa femme, très inquiète, a eu un accident cardiaque, et n'a malheureusement pas survécu. Elle n'a jamais eu le temps de contaminer d'autres personnes, et l'épidémie ne s'est jamais produite.
L'exemple est fictif, mais le constat est clair : le futur n'existe pas. Il n'y a qu'un éventail de possibles. L'un d'entre eux se matérialise, et devient le présent. Un modèle prédictif permet seulement de réduire l'éventail et d'identifier les évolutions les plus probables, (ce qui est déjà très utile!).
Un autre élément à prendre en compte est l'échelle de temps utilisé par le modèle. Par exemple, dans le contexte climatique, une hausse sur le long terme ne veut pas dire que chaque année sera plus chaude que la précédente, et encore moins que chaque jour sera plus chaud que le précédent.
Prenons un système artificiel, dans lequel nous introduisons une hausse forcée, et des variations aléatoires. On peut par exemple générer une série de valeurs dont le i-ème élément est donné par la formule ci-dessous, (basée sur une loi normale). En bref, pour ceux que les mathématiques laissent de marbre, la première valeur est obtenue à partir des petites variations autour de 995, la deuxième à partir de variations similaires autour de 996, la troisième autour de 998, la quatrième autour de 1001, et ainsi de suite.
Cette formule nous donne une évolution assez typique, représentée sur la figure ci-dessous. D'une valeur sur l'autre, la variation peut être relativement forte, et aussi bien à la hausse qu'à la baisse (courbe en pointillés). Par contre, la valeur moyenne sur les dix dernières valeurs (courbe rouge) est elle principalement orientée à la hausse, et beaucoup plus stable.
En particulier, on peut regarder les valeurs 40 à 60 : les variations sont fortes, avec notamment de fortes baisses, mais la moyenne augmente tout de même.
Avec un peu d'imagination, on comprend pourquoi nier sur le réchauffement climatique sur la base d'un été frais ou un hiver rigoureux n'a pas vraiment de sens.
Dans d'autres cas, il peut aussi être utile de prendre en compte un phénomène d'entraînement : plus la valeur est haute, plus son augmentation future est probable, (et inversement en cas de baisse). Cela peut par exemple se représenter avec la formule suivante. Au lieu de prendre 995+i comme base pour la i-ème valeur, on se sert de la valeur précédente.
Cela nous donne un comportement plus stable, mais dans lequel les baisses sont par conséquent plus durables, (voir valeurs 25-30 sur la figure ci-dessous). La formule est simpliste, mais ce type de variations ne semble pas très éloigné des phénomènes observés en bourse, (qu'on me corrige si je me trompe, ce n'est pas ma spécialité).
L'échelle de temps est donc primordiale. Le trader regardera le cours minute par minute, alors que le quidam voulant assurer sa retraite s'intéressera à l'évolution sur plusieurs années. De même le climatologue parlera de décennies, (voire de siècles ou millénaires!), tandis que le météorologue se concentrera sur les heures et jours à venir.
Ceci implique donc le développement de modèles très différents, spécifiques à leur application.
Du coup, critiquer les modèles climatiques sur la base de l'incapacité des modèles météorologiques à voir plus loin qu'une semaine est un argument qui ne tient absolument pas la route. Il ne fait aucun doute que Claude Allègre, avec son expérience, en est parfaitement conscient, (mais cela ne suffit apparemment pas à l'empêcher de régulièrement l'utiliser).
Dans le milieu, la définition exacte d'un système complexe prête encore au débat mais, intuitivement, vous conviendrez que la génétique, le climat, le système immunitaire, ou encore les interactions entre places financières, sont "complexes".
Je reviendrai sans doute sur les méthodes utilisées, car cela pourrait intéresser, mais aujourd'hui je voudrais m'attarder sur la notion de futur.
En effet, si le but des modèles est d'expliquer les phénomènes, cela passe souvent pour la mise en place de prévisions, (qu'il faut bien sûr valider).
Un modèle, par principe, correspond à un choix : il ne contient pas tous les éléments du système réel. L'inverse supposerait que le système est parfaitement compris, ce qui contredirait la motivation de départ.
Tout modèle est donc une représentation imparfaite du système, et n'est généralement utilisable que dans des conditions précises.
Un modèle ne prédit donc pas *le* futur, mais fournit au contraire un ensemble de scénarios possibles, (ces scénarios étant plus ou moins crédibles selon le réalisme du modèle).
Dans le cadre d'un de mes projets, je travaille par exemple sur la propagation des épidémies. Les modèles développés ne fourniront jamais l'évolution exacte de l'épisode infectieux. Même un modèle parfait serait incapable de le faire.
Supposons un instant qu'un tel modèle existe, et qu'une simulation soit lancée à partir de l'infection du double virtuel de M. Dupont, qui vient d'être diagnostiqué d'une nouvelle maladie. Le "modèle parfait" nous donne des résultats catastrophiques : d'après les simulations, Mme Dupont est sans doute déjà infectée, et la maladie va se propager très rapidement.
Pourtant, une semaine plus tard, aucun nouveau cas n'est signalé. Après quelques recherches, on se rend compte que, au moment où M. Dupont était mis en quarantaine, sa femme, très inquiète, a eu un accident cardiaque, et n'a malheureusement pas survécu. Elle n'a jamais eu le temps de contaminer d'autres personnes, et l'épidémie ne s'est jamais produite.
L'exemple est fictif, mais le constat est clair : le futur n'existe pas. Il n'y a qu'un éventail de possibles. L'un d'entre eux se matérialise, et devient le présent. Un modèle prédictif permet seulement de réduire l'éventail et d'identifier les évolutions les plus probables, (ce qui est déjà très utile!).
Un autre élément à prendre en compte est l'échelle de temps utilisé par le modèle. Par exemple, dans le contexte climatique, une hausse sur le long terme ne veut pas dire que chaque année sera plus chaude que la précédente, et encore moins que chaque jour sera plus chaud que le précédent.
Prenons un système artificiel, dans lequel nous introduisons une hausse forcée, et des variations aléatoires. On peut par exemple générer une série de valeurs dont le i-ème élément est donné par la formule ci-dessous, (basée sur une loi normale). En bref, pour ceux que les mathématiques laissent de marbre, la première valeur est obtenue à partir des petites variations autour de 995, la deuxième à partir de variations similaires autour de 996, la troisième autour de 998, la quatrième autour de 1001, et ainsi de suite.
Cette formule nous donne une évolution assez typique, représentée sur la figure ci-dessous. D'une valeur sur l'autre, la variation peut être relativement forte, et aussi bien à la hausse qu'à la baisse (courbe en pointillés). Par contre, la valeur moyenne sur les dix dernières valeurs (courbe rouge) est elle principalement orientée à la hausse, et beaucoup plus stable.
En particulier, on peut regarder les valeurs 40 à 60 : les variations sont fortes, avec notamment de fortes baisses, mais la moyenne augmente tout de même.
Avec un peu d'imagination, on comprend pourquoi nier sur le réchauffement climatique sur la base d'un été frais ou un hiver rigoureux n'a pas vraiment de sens.
Dans d'autres cas, il peut aussi être utile de prendre en compte un phénomène d'entraînement : plus la valeur est haute, plus son augmentation future est probable, (et inversement en cas de baisse). Cela peut par exemple se représenter avec la formule suivante. Au lieu de prendre 995+i comme base pour la i-ème valeur, on se sert de la valeur précédente.
Cela nous donne un comportement plus stable, mais dans lequel les baisses sont par conséquent plus durables, (voir valeurs 25-30 sur la figure ci-dessous). La formule est simpliste, mais ce type de variations ne semble pas très éloigné des phénomènes observés en bourse, (qu'on me corrige si je me trompe, ce n'est pas ma spécialité).
L'échelle de temps est donc primordiale. Le trader regardera le cours minute par minute, alors que le quidam voulant assurer sa retraite s'intéressera à l'évolution sur plusieurs années. De même le climatologue parlera de décennies, (voire de siècles ou millénaires!), tandis que le météorologue se concentrera sur les heures et jours à venir.
Ceci implique donc le développement de modèles très différents, spécifiques à leur application.
Du coup, critiquer les modèles climatiques sur la base de l'incapacité des modèles météorologiques à voir plus loin qu'une semaine est un argument qui ne tient absolument pas la route. Il ne fait aucun doute que Claude Allègre, avec son expérience, en est parfaitement conscient, (mais cela ne suffit apparemment pas à l'empêcher de régulièrement l'utiliser).
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