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Oct 10, 2012

Recherche et politique

Les travaux de Shinya Yamanaka sur les cellules souches pluripotentes induites (iPSC pour faire court), qui lui ont valu de recevoir cette semaine le Prix Nobel de physiologie ou médecine (partagé avec John Gurdon), sont très intéressants.

Sa récompense n'est pas une surprise, et le toujours-excellent blog de Tom Roud en parlait dès 2008, (et je vous conseille d'ailleurs d'aller, comme il le propose, lire la note explicative qu'il a préparée en complément sur le sujet).

Depuis quelques jours, vous avez surement lu un peu partout des explications (plus ou moins bonnes, mais allez par exemple voir les deux liens ci-dessus si vous n'avez pas encore tout compris) sur ces travaux, et je ne vais donc pas me lancer dans un long billet.

Je voulais simplement rebondir sur certaines réactions que je vois passer sur Twitter, par exemple :

J'ai aussi vu des "retweets" de ce message d'Axel Kahn :
Dommage que la brève conversation qui a suivi n'ait pas été tout aussi partagée :



Les résultats de Yamanaka ne veulent pas dire que les iPSC se substituent complètement à la recherche sur les embryons. Il faudrait sans doute plutôt voir cela comme un complément.

Ils ne veulent pas dire, non plus, que la recherche sur les embryons est devenu "ringarde". Le nombre de publications sur les cellules souches embryonnaires reste très important, (et a même augmenté par rapport à la période pré-iPSC).

Ils ne veulent, enfin, pas dire que Yamanaka lui-même ne travaille plus avec des embryons. Un de ses plus récents articles, publié dans Stem Cells and Development, traite justement de cellules (porcines) iPSC et de leur capacité de développement embryonnaire et fœtal. L'opposition de type "pro-life" à la recherche sur les embryons devrait donc en toute logique aussi s'appliquer ici, puisque l'origine "induite" des embryons ne change pas leur nature (d'un point de vue éthique).

Je me permets également de reproduire et traduire ici le résumé d'un article de Nature Reviews Molecular Cell Biology paru cet été et qui prend la forme d'une discussion avec six experts des cellules souches, dont Shinya Yamanaka :
"The increasing momentum of stem cell research continues, with the better characterization of induced pluripotent stem (iPS) cells, the conversion of differentiated cells into different cell types and the use of pluripotent stem cells to generate whole tissues, among other advances. Here, six experts in the field of stem cell research compare different stem cell models and highlight the importance of pursuing complementary experimental approaches for a better understanding of pluripotency and differentiation and an informed approach to medical applications."
"La dynamique autour de la recherche sur les cellules souches se poursuit, avec, entre autres avancées, une meilleure caractérisation des cellules souches pluripotentes induites (iPS), la conversion de cellules différenciés en cellules d'un type différent et l'utilisation de cellules souches pluripotentes pour générer des tissus entiers. Ici, six experts dans le domaine des cellules souches comparent différents modèles et insistent sur l'importance d'étudier des approches expérimentales complémentaires pour mieux comprendre la pluripotence et la différenciation et approcher de façon avisée les applications médicales."

Yamanaka n'est pas partisan d'une dérégulation complète de la recherche sur les cellules souches, c'est évident. On cite souvent sa visite dans une clinique de fertilité (dans laquelle il aurait réalisé le peu de différences entre un embryon et ses filles) comme motivation de l'étude récemment récompensée et, dans l'article ci-dessus, il insiste sur le fait que des règles sont nécessaires ("Scientific technologies are double-edged swords: they can provide many benefits for humanity, but at the same time can be harmful. Thus, regulations are necessary"). Mais ni lui ni ses résultats ne permettent de dire que la recherche sur les cellules souches embryonnaires est dépassée ou inutile, ni qu'elle devrait être interdite.
 
L'utilisation politique de résultats scientifiques est toujours à prendre avec des pincettes, car elle ne se soucie pas toujours des faits.
Il est logique, et sain, que la question de l'éthique soit discutée à propos de la recherche sur les embryons (comme pour beaucoup d'autres thèmes de recherche d'ailleurs). La réponse apportée ne peut être acceptée que si tout le monde prend garde d'éviter les raccourcis et les petits arrangements avec la réalité.

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