Avant le passage de Gilles-Eric Séralini dans l'émission "Des Cliques et des Claques" sur Europe 1 hier soir, je me posais la question d'un emballement (génétiquement modifié) à propos du traitement médiatique réservé à son étude sur la toxicité d'une souche bien précise de maïs OGM. Dans ce billet, je parlais assez brièvement des limitations de l'étude elle-même (d'autres l'ont déjà fait), et me concentrais plutôt sur tout ce qui se passe autour, (publication, médias, conflits d’intérêts, etc.).
La prestation de Séralini n'a pas vraiment aidé à éclaircir ces points. Pire, certaines de ses réponses ressemblent fort à des tentatives d'enfumage (volontaire ou non, lui seul pourrait répondre), et je vais donc essayer de revenir sur les points non-techniques qui me posent le plus de problème.
Le pire dans tout ça est que je ne suis pas spécialement intéressé par les OGM, mais les méthodes employées me déplaisent. Au moins cela aura-t-il suffi à me remotiver à écrire sur ce blog, (j'en ai deux autres ici et ici, qui souffrent eux aussi de productivité irrégulière).
Les photos
La première question de mon billet précédent était de savoir pourquoi des photos de rats se trouvent dans l'article publié dans Food and Chemical Toxicology, alors que cela n'a aucune valeur scientifique. Si vous écoutez le podcast de l'émission, vous verrez que le sujet est abordé après 22'30, via le buzz que ces photos ont déclenché. Séralini affirme que c'est l'éditeur qui a demandé l'inclusion des photos.
Je dois avouer que j'ai un gros doute face à cette affirmation. Ces photos n'apportent rien à l'article, et il n'est donc pas habituel que de tels clichés soient inclus. J'ai d'ailleurs chercher dans les articles du journal, et parmi ceux traitant de tumeurs que j'ai regardé, aucune photo. Seulement des données chiffrées et des images au microscope, qui figurent d'ailleurs aussi dans l'article de Séralini (car elles sont utiles, elles). Vous pouvez par exemple aller voir :
Mon autre problème avec ces photos est qu'on ne montre que les rats ayant reçu des OGM et/ou du pesticide. Cela laisse sous-entendre que seuls ceux-ci ont développés des tumeurs.
Ce point a été abordé dans l'émission (24'38) via un tweet que j'avais posté pendant le direct. Ce tweet n'était pas parfait, car le manque de caractères m'a fait raccourcir "rats ayant reçu des OGM" en "rats OGM", ce que Séralini a immédiatement corrigé (ce qui est à la fois logique et habile). Le reste de sa réponse porte sur le fait que leur étude se concentrait sur le différentiel dans l'apparition des tumeurs. Il omet de préciser que ce différentiel n'est pas significatif étant donnée la taille de l'échantillon, et que les différents doses d'OGM ne donnent pas des résultats cohérents entre eux et entre les sexes (comme relevé dans de nombreuses analyses, cf. mon précédent billet). Sa réponse contient tout de même un point important : il commence par dire que les photos existent pour les autres rats.
Si c'est le cas, pourquoi ne sont-elles pas dans l'article ? Quiconque a lu (ou même survolé) ce papier sait qu'il n'y a que trois photos : un rat ayant été nourri aux OGM (mais on ne nous dit si c'est le groupe à 11, 22 ou 33% d'OGM), un rat ayant reçu le pesticide, et enfin un rat ayant reçu les deux.
L'embargo
Le deuxième point sensible est la question de l'embargo. Il est courant que les journalistes scientifiques aient accès à une publication scientifique avant qu'elle ne devienne disponible en ligne. Cela leur permet de traiter le sujet correctement, d'aller demander l'avis d'experts du domaine, etc. Bref, de faire leur travail de journaliste. La contre-partie est qu'ils n'ont pas le droit de parler du sujet avant que la publication ne soit disponible, d'où le terme d'embargo (qui est parfois cassé, mais c'est un autre sujet).
Le problème, dans le cas de cette étude, est que Séralini a imposé comme condition d'accès anticipé à l'étude que les journalistes s'engagent à ne pas demander d'avis extérieur. Autrement dit, les journalistes n'avaient accès qu'à son seul son de cloche, et n'avaient que deux options : aller dans le sens de l'étude, ou attendre que l'étude soit sortie (et donc avoir deux ou trois temps de retard sur les autres journaux).
Cette démarche n'est pas acceptable, et a été critiquée par de nombreux journalistes, notamment de l'AFP, de Reuters et de la BBC, dont les déclarations sont reproduites dans ce très intéressant billet (en anglais).
Malheureusement, le sujet n'a pas pu être traité dans l'émission. Lorsque la question de l'embargo est abordée (11'38), Séralini dit simplement que l'éditeur scientifique demande l'embargo. C'est exact, mais volontairement trompeur. L'éditeur demande en effet l'embargo (dans le sens de la non-publication des articles de presse avant l'étude), mais justement pour permettre aux journalistes de faire leur travail, pas pour leur imposer des conditions d'accès. Elsevier, qui publie la revue Food and Chemical Toxicology, a d'ailleurs confirmé à l'auteur du blog ci-dessus qu'ils n'étaient pas responsables des conditions posées pour accéder à l'article.
La date de publication
Je me posais également la question de la date de publication. Il faut avouer qu'elle est plutôt opportune, à une semaine de la sortie du livre et du film, et pile à la temps pour la sortie d'un hebdomadaire faisant sa Une sur l'étude. Est-ce un hasard ?
Dans l'émission (12'24), Séralini affirme que la date de sortie de l'étude a été fixée par l'éditeur. Il est surprenant que l'éditeur choisisse précisément cette date, alors qu'il a publié en ligne quatre études la veille, une étude le lendemain, et deux autres études le même jour que celle de Séralini. Tout cela semble assez flexible. Pourquoi, aussi, l'éditeur tiendrait-il précisément à ce jour-ci, 48 jours après avoir accepté l'article, alors que le délai moyen entre ces deux dates est généralement très inférieur (comme je l'explique dans mon précédent billet) ?
Elsevier a également précisé au blog anglophone déjà cité qu'ils n'ont fait qu'accepter la demande de la part des auteurs d'être publiés ce jour en particulier. Cela contredit la version de Séralini, et laisse plutôt penser à un plan média préparé de longue date.
Le choix de la revue
Devant l'ampleur des résultats (si on admet temporairement qu'ils sont corrects), pourquoi ne pas avoir publié dans une revue en accès libre, ou dans une revue à plus fort impact ?
La question de l'accès à l'étude n'a pas vraiment été traitée, Séralini expliquant en gros que le livre est là pour transmettre l'information au public (11'44).
Selon lui (11'10), la revue est, de toute façon, "une des meilleures, si ce n'est la meilleure, des revues de toxicologie alimentaire". Cela justifie-t-il de ne pas publier dans une revue à plus fort impact, même si plus généraliste ? Je ne pense pas.
Est-ce simplement vrai ? Tout classement a ses limites, mais quand on est face à une revue peu familière, le SJR (SCImago Journal Rank) est assez utile. Le site classe la revue en 37e position pour la catégorie Food Science, et en 38e position pour la catégorie Toxicology.
Je le répète, aucun classement n'est parfait, et il est fort possible que la revue soit plus réputée que le classement ne le laisse penser. Est-ce toutefois suffisant pour justifier une publication précisément dans ce journal ?
Et pourquoi ne pas avoir opter pour placer l'article en accès libre ? L'option existe pour ce journal, et les frais associés ($3000) ne sont pas rédhibitoires si le budget de l'étude est effectivement de plus de trois millions d'euros.
Le conflit d'intérêts
On peut tout à fait être contre les OGM et réaliser une étude sérieuse qui montre qu'une souche particulière d'OGM est dangereuse. Le problème n'est pas là. Par contre, comment pouvoir écrire n'avoir aucun conflit d'intérêt quand :
Encore une fois, cela n'invalide pas l'étude elle-même, mais ne pas déclarer de conflit est inexact et inacceptable, de la même manière qu'on n'accepterait pas qu'une étude financée par Monsanto n'indique pas un conflit.
Accès aux données
Il est dommage que les données ayant servi à l'écriture de l'article ne soient pas disponibles. Se dire prêt à les publier, mais seulement si les études précédentes font de même (20'47 dans l'émission d'hier), n'est pas suffisant. On ne peut pas à la fois critiquer les autres et reproduire le même fonctionnement.
Il aurait été beaucoup plus judicieux de mettre les données en ligne et de s'appuyer sur cela pour mettre la pression concernant l'accès aux précédentes.
Dernières remarques
Plusieurs passages de l'émission m'ont agacé du fait de l'attitude de Séralini. Les tentatives de discréditer les contradicteurs plutôt que de répondre sur le fond sont assez déplorables.
On a par exemple entendu que ceux qui critiquent l'étude n'avaient pas pris le temps de la lire (ah bon?), puisque de toute façon il n'est pas possible qu'ils en aient déjà eu le temps (8'12). Pourtant, dans le même temps, aucune critique envers les autorités russes, qui ont elles aussi très rapidement réagi à l'étude (18'38). Sans doute parce que la réaction va dans le sens soutenu par Séralini, à savoir l'interdiction.
J'ai aussi trouvé dommage que personne ne relève comment Séralini a balayé d'un revers de main l'intervention de Louis-Marie Houdebine. La première chose que Séralini lui a demandé est si il faisait partie des commissions d'évaluation (16'51). Houbedine répond que oui, ce qui entraine un terrible "voilà" en retour. Dévastateur auprès de l'auditeur, qui ne se rappelle peut-être pas que Séralini a lui-même mis en avant sa propre participation plus tôt dans l'émission (7'45).
Au détour d'une phrase (16'15), Séralini laisse également entendre que des messages de félicitations arrivent, maintenant que les scientifiques ont eu le temps de lire l'article. Je continue à ne voir circuler que des critiques, plus ou moins sévères. Qui pourrait m'indiquer un message allant dans le sens de Séralini ?
Enfin, j'ai été choqué par l'enfumage de Séralini sur le fait que les choses bougent en Inde, où un des co-auteurs aurait présenté les résultats de l'étude dans un grand colloque international (18'51). En cherchant sur Internet, on trouve rapidement que le colloque en question, "Advancing the Understanding of Biosafety", est en partie financé par la Fondation pour le Progrès de l'Homme (qui finance aussi l'étude). Pas de comité d'organisation, pas d'invitation à soumettre des articles, pas de revue par les pairs non plus, apparemment. Ce colloque est de plus organisé par l'ENSSER (European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility). Le seul membre français du "board" de ce réseau est Christian Vélot. Ce dernier est également membre du Conseil scientifique du CRIIGEN (Conseil Scientifique que préside Séralini, entre autre liens évoqués plus haut), et la pertinence de ses prises de position anti-OGM fait semble-t-il débat (voir par exemple cet article en deux parties ici et ici). Bien entendu, cela ne veut pas dire que les présentations faites pendant ce colloque sont donc forcément inintéressantes (je ne suis pas obtus), mais on ne peut nier qu'il y a nécessairement un biais, et présenter cette réunion comme étant un grand colloque international est donc un abus de langage destiné à impressionner l'auditeur. Il est dommage (mais inévitable) que personne n'ait eu le temps de le reprendre en direct.
Au final, je reste donc sceptique sur la qualité de l'étude, et très insatisfait du traitement médiatique autour des résultats produits.
Prochaine étape prochainement, puisque Arrêt Sur Images va apparemment consacrer son émission de la semaine à ce sujet. Avec enfin des réponses à mes questions ?
La prestation de Séralini n'a pas vraiment aidé à éclaircir ces points. Pire, certaines de ses réponses ressemblent fort à des tentatives d'enfumage (volontaire ou non, lui seul pourrait répondre), et je vais donc essayer de revenir sur les points non-techniques qui me posent le plus de problème.
Le pire dans tout ça est que je ne suis pas spécialement intéressé par les OGM, mais les méthodes employées me déplaisent. Au moins cela aura-t-il suffi à me remotiver à écrire sur ce blog, (j'en ai deux autres ici et ici, qui souffrent eux aussi de productivité irrégulière).
Les photos
La première question de mon billet précédent était de savoir pourquoi des photos de rats se trouvent dans l'article publié dans Food and Chemical Toxicology, alors que cela n'a aucune valeur scientifique. Si vous écoutez le podcast de l'émission, vous verrez que le sujet est abordé après 22'30, via le buzz que ces photos ont déclenché. Séralini affirme que c'est l'éditeur qui a demandé l'inclusion des photos.
Je dois avouer que j'ai un gros doute face à cette affirmation. Ces photos n'apportent rien à l'article, et il n'est donc pas habituel que de tels clichés soient inclus. J'ai d'ailleurs chercher dans les articles du journal, et parmi ceux traitant de tumeurs que j'ai regardé, aucune photo. Seulement des données chiffrées et des images au microscope, qui figurent d'ailleurs aussi dans l'article de Séralini (car elles sont utiles, elles). Vous pouvez par exemple aller voir :
- C.-H Wu et al., The topical application of 2,3,7,8-tetrachlorodibenzo-p-dioxin lacks skin tumor-promoting potency but induces hepatic injury and tumor necrosis factor-α expression in ICR male mice, Food and Chemical Toxicology 42(8):1217–1225, 2004.
- H.B. Jones et al., Effect of chronic phenobarbitone administration on liver tumour formation in the C57BL/10J mouse, Food and Chemical Toxicology 47(6):1333–1340, 2009.
- X. Zhao et al., A flavonoid component from Docynia delavayi (Franch.) Schneid represses transplanted H22 hepatoma growth and exhibits low toxic effect on tumor-bearing mice, Food and Chemical Toxicology 50(9):3166–3173, 2012.
Mon autre problème avec ces photos est qu'on ne montre que les rats ayant reçu des OGM et/ou du pesticide. Cela laisse sous-entendre que seuls ceux-ci ont développés des tumeurs.
Ce point a été abordé dans l'émission (24'38) via un tweet que j'avais posté pendant le direct. Ce tweet n'était pas parfait, car le manque de caractères m'a fait raccourcir "rats ayant reçu des OGM" en "rats OGM", ce que Séralini a immédiatement corrigé (ce qui est à la fois logique et habile). Le reste de sa réponse porte sur le fait que leur étude se concentrait sur le différentiel dans l'apparition des tumeurs. Il omet de préciser que ce différentiel n'est pas significatif étant donnée la taille de l'échantillon, et que les différents doses d'OGM ne donnent pas des résultats cohérents entre eux et entre les sexes (comme relevé dans de nombreuses analyses, cf. mon précédent billet). Sa réponse contient tout de même un point important : il commence par dire que les photos existent pour les autres rats.
Si c'est le cas, pourquoi ne sont-elles pas dans l'article ? Quiconque a lu (ou même survolé) ce papier sait qu'il n'y a que trois photos : un rat ayant été nourri aux OGM (mais on ne nous dit si c'est le groupe à 11, 22 ou 33% d'OGM), un rat ayant reçu le pesticide, et enfin un rat ayant reçu les deux.
L'embargo
Le deuxième point sensible est la question de l'embargo. Il est courant que les journalistes scientifiques aient accès à une publication scientifique avant qu'elle ne devienne disponible en ligne. Cela leur permet de traiter le sujet correctement, d'aller demander l'avis d'experts du domaine, etc. Bref, de faire leur travail de journaliste. La contre-partie est qu'ils n'ont pas le droit de parler du sujet avant que la publication ne soit disponible, d'où le terme d'embargo (qui est parfois cassé, mais c'est un autre sujet).
Le problème, dans le cas de cette étude, est que Séralini a imposé comme condition d'accès anticipé à l'étude que les journalistes s'engagent à ne pas demander d'avis extérieur. Autrement dit, les journalistes n'avaient accès qu'à son seul son de cloche, et n'avaient que deux options : aller dans le sens de l'étude, ou attendre que l'étude soit sortie (et donc avoir deux ou trois temps de retard sur les autres journaux).
Cette démarche n'est pas acceptable, et a été critiquée par de nombreux journalistes, notamment de l'AFP, de Reuters et de la BBC, dont les déclarations sont reproduites dans ce très intéressant billet (en anglais).
Malheureusement, le sujet n'a pas pu être traité dans l'émission. Lorsque la question de l'embargo est abordée (11'38), Séralini dit simplement que l'éditeur scientifique demande l'embargo. C'est exact, mais volontairement trompeur. L'éditeur demande en effet l'embargo (dans le sens de la non-publication des articles de presse avant l'étude), mais justement pour permettre aux journalistes de faire leur travail, pas pour leur imposer des conditions d'accès. Elsevier, qui publie la revue Food and Chemical Toxicology, a d'ailleurs confirmé à l'auteur du blog ci-dessus qu'ils n'étaient pas responsables des conditions posées pour accéder à l'article.
La date de publication
Je me posais également la question de la date de publication. Il faut avouer qu'elle est plutôt opportune, à une semaine de la sortie du livre et du film, et pile à la temps pour la sortie d'un hebdomadaire faisant sa Une sur l'étude. Est-ce un hasard ?
Dans l'émission (12'24), Séralini affirme que la date de sortie de l'étude a été fixée par l'éditeur. Il est surprenant que l'éditeur choisisse précisément cette date, alors qu'il a publié en ligne quatre études la veille, une étude le lendemain, et deux autres études le même jour que celle de Séralini. Tout cela semble assez flexible. Pourquoi, aussi, l'éditeur tiendrait-il précisément à ce jour-ci, 48 jours après avoir accepté l'article, alors que le délai moyen entre ces deux dates est généralement très inférieur (comme je l'explique dans mon précédent billet) ?
Elsevier a également précisé au blog anglophone déjà cité qu'ils n'ont fait qu'accepter la demande de la part des auteurs d'être publiés ce jour en particulier. Cela contredit la version de Séralini, et laisse plutôt penser à un plan média préparé de longue date.
Le choix de la revue
Devant l'ampleur des résultats (si on admet temporairement qu'ils sont corrects), pourquoi ne pas avoir publié dans une revue en accès libre, ou dans une revue à plus fort impact ?
La question de l'accès à l'étude n'a pas vraiment été traitée, Séralini expliquant en gros que le livre est là pour transmettre l'information au public (11'44).
Selon lui (11'10), la revue est, de toute façon, "une des meilleures, si ce n'est la meilleure, des revues de toxicologie alimentaire". Cela justifie-t-il de ne pas publier dans une revue à plus fort impact, même si plus généraliste ? Je ne pense pas.
Est-ce simplement vrai ? Tout classement a ses limites, mais quand on est face à une revue peu familière, le SJR (SCImago Journal Rank) est assez utile. Le site classe la revue en 37e position pour la catégorie Food Science, et en 38e position pour la catégorie Toxicology.
Je le répète, aucun classement n'est parfait, et il est fort possible que la revue soit plus réputée que le classement ne le laisse penser. Est-ce toutefois suffisant pour justifier une publication précisément dans ce journal ?
Et pourquoi ne pas avoir opter pour placer l'article en accès libre ? L'option existe pour ce journal, et les frais associés ($3000) ne sont pas rédhibitoires si le budget de l'étude est effectivement de plus de trois millions d'euros.
Le conflit d'intérêts
On peut tout à fait être contre les OGM et réaliser une étude sérieuse qui montre qu'une souche particulière d'OGM est dangereuse. Le problème n'est pas là. Par contre, comment pouvoir écrire n'avoir aucun conflit d'intérêt quand :
- le directeur de l'étude (G.E. Séralini) est président du comité scientifique d'une des entités finançant l'étude (CRIIGEN).
- cette entité milite contre les OGM.
- le président du CRIIGEN est également un des auteurs de l'étude (Joël Spiroux de Vendômois), sans que sa contribution ne soit clairement identifié (alors qu'il est apparemment médecin généraliste, selon le site du CRIIGEN).
- on vend en parallèle à l'étude un livre et un film.
- la présidente d'honneur du CRIIGEN (Corinne Lepage) assure une bonne partie du "service après-vente" médiatique de l'étude, alors qu'elle sort elle aussi un livre sur le sujet ces jours-ci.
- l'étude est en partie financée par des enseignes de la grande distribution qui misent ouvertement sur le non-OGM et ont donc un intérêt commercial à ce que les OGM soient prouvés nocifs, (comme le souligne la demande de photos évoquée par Séralini, 21'45).
Encore une fois, cela n'invalide pas l'étude elle-même, mais ne pas déclarer de conflit est inexact et inacceptable, de la même manière qu'on n'accepterait pas qu'une étude financée par Monsanto n'indique pas un conflit.
Accès aux données
Il est dommage que les données ayant servi à l'écriture de l'article ne soient pas disponibles. Se dire prêt à les publier, mais seulement si les études précédentes font de même (20'47 dans l'émission d'hier), n'est pas suffisant. On ne peut pas à la fois critiquer les autres et reproduire le même fonctionnement.
Il aurait été beaucoup plus judicieux de mettre les données en ligne et de s'appuyer sur cela pour mettre la pression concernant l'accès aux précédentes.
Dernières remarques
Plusieurs passages de l'émission m'ont agacé du fait de l'attitude de Séralini. Les tentatives de discréditer les contradicteurs plutôt que de répondre sur le fond sont assez déplorables.
On a par exemple entendu que ceux qui critiquent l'étude n'avaient pas pris le temps de la lire (ah bon?), puisque de toute façon il n'est pas possible qu'ils en aient déjà eu le temps (8'12). Pourtant, dans le même temps, aucune critique envers les autorités russes, qui ont elles aussi très rapidement réagi à l'étude (18'38). Sans doute parce que la réaction va dans le sens soutenu par Séralini, à savoir l'interdiction.
J'ai aussi trouvé dommage que personne ne relève comment Séralini a balayé d'un revers de main l'intervention de Louis-Marie Houdebine. La première chose que Séralini lui a demandé est si il faisait partie des commissions d'évaluation (16'51). Houbedine répond que oui, ce qui entraine un terrible "voilà" en retour. Dévastateur auprès de l'auditeur, qui ne se rappelle peut-être pas que Séralini a lui-même mis en avant sa propre participation plus tôt dans l'émission (7'45).
Au détour d'une phrase (16'15), Séralini laisse également entendre que des messages de félicitations arrivent, maintenant que les scientifiques ont eu le temps de lire l'article. Je continue à ne voir circuler que des critiques, plus ou moins sévères. Qui pourrait m'indiquer un message allant dans le sens de Séralini ?
Enfin, j'ai été choqué par l'enfumage de Séralini sur le fait que les choses bougent en Inde, où un des co-auteurs aurait présenté les résultats de l'étude dans un grand colloque international (18'51). En cherchant sur Internet, on trouve rapidement que le colloque en question, "Advancing the Understanding of Biosafety", est en partie financé par la Fondation pour le Progrès de l'Homme (qui finance aussi l'étude). Pas de comité d'organisation, pas d'invitation à soumettre des articles, pas de revue par les pairs non plus, apparemment. Ce colloque est de plus organisé par l'ENSSER (European Network of Scientists for Social and Environmental Responsibility). Le seul membre français du "board" de ce réseau est Christian Vélot. Ce dernier est également membre du Conseil scientifique du CRIIGEN (Conseil Scientifique que préside Séralini, entre autre liens évoqués plus haut), et la pertinence de ses prises de position anti-OGM fait semble-t-il débat (voir par exemple cet article en deux parties ici et ici). Bien entendu, cela ne veut pas dire que les présentations faites pendant ce colloque sont donc forcément inintéressantes (je ne suis pas obtus), mais on ne peut nier qu'il y a nécessairement un biais, et présenter cette réunion comme étant un grand colloque international est donc un abus de langage destiné à impressionner l'auditeur. Il est dommage (mais inévitable) que personne n'ait eu le temps de le reprendre en direct.
Au final, je reste donc sceptique sur la qualité de l'étude, et très insatisfait du traitement médiatique autour des résultats produits.
Prochaine étape prochainement, puisque Arrêt Sur Images va apparemment consacrer son émission de la semaine à ce sujet. Avec enfin des réponses à mes questions ?
0 comments:
Post a Comment